INTRODUCTION A LA PSYCHOLOGIE 2017-2018
INTRODUCTION A LA PSYCHOLOGIE
Cours_Introduction___la_Psychologie
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
- Alain Beitone et al., Sciences sociales,Paris, Editions Dalloz.
- Bernard Lahire, Sociologie, psychologie et sociologie psychologique, Hermès 41, 2003.
- Emile Durkheim, «Représentations individuelles et représentations collectives», Revue de Métaphysique et de Morale, tome VI, mai 1898.
- Emile Durkheim, Textes 1. Éléments d'une théorie sociale, Paris, Minuit, 1975.
- Jean Maisonneuve, La psychologie sociale, Paris, Puf.
- Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz.
- Madeleine Grawitz, Lexiques des sciences sociales, Paris, Dalloz.
- Maurice Reuchlin, Histoire de la psychologie, Paris, Puf.
- Maurice Reuchlin, Les Méthodes en psychologie, Paris, Puf.
- Marcel Mauss, « Rapports réels et pratiques de la psychologie et de la sociologie » Article originalement publié dans Journal de Psychologie Normale et Pathologique, 1924. Communication présentée le 10 janvier 1924 à la Société de Psychologie.
- Etc.
Travail personnel de l’étudiant (TPE)
L’introduction générale du cours (Introduction à la psychologie)explique la différence entre l’objet de la sociologie et de la psychologie et développe, sommairement, la contribution que la psychologie peut apporter à la sociologie dans l’analyse des phénomènes sociaux. À partir d’un exemple pertinent (une étude de cas), vous montrerez l’apport de la psychologie à la sociologie.
Consignes : Texte en Times New Roman, taille 12, interligne simple. Pas plus de deux (02) sur une seule feuille. Justifiez votre texte. Le délai de rigueur pour la remise des TPE est fixé au vendredi 04 mai 2018. Les TPE seront remis directement à l’enseignant (vendredis 28 avril, 04 mai-Département de sociologie entre 9h et 10h45) ou aux délégués qui se chargeront de les remettre à l’enseignant au plus tard le 04 mai 2018.
INTRODUCTION GENERALE
Pourquoi un cours de psychologie pour des étudiants de sociologie ? Avant que la psychologie ne se pose comme science autonome, les sociologues affirmaient que les idées, les sentiments, le niveau intellectuel, le langage, etc. de l’individu étaient fonction de son milieu social. Ce milieu le modèle par le biais d’une « conscience collective ». Dans cette optique, l’individu est exclusivement un être social, son comportement est expliqué par les notions telles que : la personnalité de base, la personnalité statutaire, les rôles sociaux, les normes, les modèles, etc. Des positivistes ont réduit la pensée individuelle en un reflet de la pensée collective. Il s’ensuit que la conscience individuelle est déterminée par la conscience collective. E. Durkheim (un des défenseurs du positivisme) finira par dépasser cette position qui était la sienne et avancera que si cette idée était vraie pour les sociétés primitives, il n’en est pas de même pour les sociétés modernes. Au sein de ces dernières, affirme-t-il : « la conscience individuelle s’est libérée de l’emprise sociale et l’individu a acquis une autonomie tant en ce qui concerne sa pensée que sa problématique » ; il est devenu un être original. A la suite de Durkheim, nous serions tentés de dire que même au sein de ce qu’il appelle « société primitive », aucune conscience individuelle n’est uniquement le reflet de la conscience collective. Une fois ce constat établi, on a estimé que l’étude du comportement de l’individu relève de la compétence de la psychologie alors que celle des groupes et des sociétés relève de la compétence de la sociologie, de l’anthropologie, de l’économie, entre autres.
L’objectif du cours d’Introduction à la psychologie est donc d’amener les apprenants à comprendre et à cerner comment les variables d’ordre psychologique influe sur la conduite de l’homme. Il est question d’amener les étudiants de sociologie à adopter une posture de pluridisciplinarité et/ou de d’interdisciplinarité (voir notes cours du 1er semestre). La sociologie ne peut donc pas faire l’économie des autres sciences sociales, telles que la psychologie, l’histoire ou encore l’économie et la statistique. Toutes ces disciplines permettent à la sociologie, science carrefour, d’avoir une vision plus large des faits qu’elle entend étudier. Il n y a pas de faits sociaux en soi. Tous les faits sociaux sont aussi et/ou d’abord des faits économiques, historiques, psychologiques, etc. [voir notes].
Avant présenter le plan de notre cours, soulignons que si l’objet de la sociologie est le fait social (Durkheim) ou l’action sociale (Weber), l’objet de la psychologie est de « décrire les états de conscience et les réduire à un certain nombre de types généraux. » (E. Durkheim). Les deux sciences, la sociologie et la psychologie, sont bien distinctes. Chacune a son objet propre, très différent de celui de l'autre. Il n'y a donc pas lieu de les confondre. La première, avec certes des nuances, met un accent sur le primat de la société. La seconde, met un accent sur le psychisme, c’est-à-dire l’ensemble des phénomènes de la vie mentale.
Le plan du cours se décline ainsi qu’il suit. Après cette introduction générale, nous aborderons dans le premier chapitre l’Histoire de la psychologie. Il sera question de dérouler, sommairement, les grandes étapes de l’évolution de la psychologie. Les méthodes en psychologie feront l’objet d’une étude dans le second chapitre. Les domaines de la psychologie seront étudiés dans le troisième chapitre. La psychologie sociale sera abordée dans le quatrième chapitre. Enfin, nous analyserons l’apport de la psychologie à la sociologie dans le cinquième chapitre. Les références bibliographiques suivantes (Voir document à photocopier) ressortent quelques ouvrages et articles qui ont été consultés par l’enseignant pour la préparation du cours.
CHAPITRE 1 : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE
Avant de nous pencher sur l’Histoire de la psychologie, commençons par définir le concept de psychologie ainsi que les concepts qui lui sont associés. Rappelons que la dualité de l’être humain (un « je » distinct de tous les autres, d’une part, et un « animal social », d’autre part, dont la plupart des comportements ne peut s’envisager que par rapport à un environnement organisé tel que la famille, le groupe, la communauté ou la société) a abouti dès le 19ème siècle à une séparation entre la psychologie (centrée sur l’individu) et les sciences sociales telles que la sociologie, l’anthropologie et la science politique (centrées sur l’aspect social et culturel des phénomènes humains).
- I. DEFINITIONS
1.1. Psychologie
Pour certains auteurs, le mot psychologie apparaît pour la première fois, à la fin du XVeme début XVIeme dans le livre Psichiologia de ratione animae humanae De Marko Marulic, savant humaniste croate. Pour d’autres, ce mot apparaît au 18ème siècle. Il est introduit par le philosophe allemand WOLFF (1679-1754) pour désigner la science de l'âme. En effet, la psychologie se définit comme la science de l'âme. Du grec psuche (qui signifie l’âme ou l’esprit) et logos (qui signifie langage, raison, science, discours ordonné). Cette étymologie comporte donc un contenu métaphysique implicite dans la mesure où elle suppose l’existence d’un principe ou d’une substance qui différerait du corps, d’une réalité immatérielle qui déterminerait le comportement humain (Rachel FERRERE)….
…Pour Maurice REUCHLIN, « La psychologie est l'étude scientifique de l'esprit humain. Elle cherche à connaitre les êtres vivants et à expliquer le pourquoi et le comment des conduites de ces êtres vivants ; ces conduites peuvent être individuelles ou en groupe. ». La psychologie est à la fois une science, un ensemble de savoirs et une série de pratiques professionnelles. Elle s'applique à des domaines divers, de l'hôpital à l'entreprise en passant par l'école, etc. La définition du concept psychologie implique la définition d’autres concepts connexes.
1.2. Le psychologue
Le psychologue n'est pas un médecin. Généralement l’obtention d’un master 2 en psychologie confère le titre de psychologue à un étudiant ou un apprenant. Son travail est d'écouter, analyser, rechercher et comprendre une situation. Le psychologue est plus proche des milieux universitaires (recherche fondamentale) que des centres de soins (recherche appliquée).
1.3. Le psychiatre
Il est un médecin qui établit un diagnostic et cherche un traitement adapté à une pathologie. Il est habilité à évaluer la santé mentale du patient et poser si nécessaire un diagnostic afin de donner un traitement approprié et décider d’une éventuelle hospitalisation. Dans certains pays, il est le seul « psy » habilité à prescrire des médicaments.
1.4. Le psychanalyste
Il s'intéresse à l'histoire du patient. Pour lui, les symptômes du patient sont classés comme ayant une origine dans l'histoire du patient. Il établit donc une relation entre la vie du patient (son présent) et les évènements passés qui l’ont marqué et tenté de trouver des corrélations.
1.5. Le psychothérapeute
Le psychothérapeute est spécialisé dans l’aide à autrui en adoptant une méthode déterminée (psychanalyse, thérapie comportementale, familiale...), ou en associant différentes méthodes, ce qu'on appellera les thérapies multi référentielles.
- II. HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE
La psychologie est une « jeune science » qui a une longue histoire car elle est liée à celle de la philosophie. La psychologie a subi de profondes transformations au cours de l'histoire. Nous pouvons, à la suite de A. VAN DAELE, distinguer schématiquement trois périodes essentielles durant lesquelles l'objet même de la psychologie a changé.
2.1. Premières traces : de l’Antiquité au 19ème siècle
L'histoire de la psychologie remonte à l'Antiquité. Les premières traces d'une réflexion sur les phénomènes mentaux et le comportement ont été retrouvées dans des écrits datant de l‘Egypte ancienne. Le papyrus Ebers (-1550 avant J.-C.) contient une courte description clinique de la dépression, avec des recettes magiques ou religieuses pour la chasser. Les hommes se sont intéressés à la perception, aux sensations, aux émotions, aux sentiments et à la pensée. Les traces s’en trouvent dans l’Iliade et l’Odyssée, dans les mythologies de tous les peuples ou dans les livres sacrés. L’étude ou la science de l'âme est aussi vielle que l’existence des hommes sur terre. De tous temps, les hommes se sont intéressés à l’âme, que ce soit dans les sociétés occidentales, orientales, asiatiques ou africaines. La psychologie, entendue comme l’étude de l’âme, est donc une réalité consubstantielle à l’existence des hommes sur terre.
Cette période est dominée par la psychologie philosophique. Comme nous l’avons souligné plus haut, la psychologie peut être définie comme l’étude scientifique du comportement ou de l’esprit humain. Il convient de souligner d’emblée que cette définition est relativement récente car la psychologie a été longtemps associée à la philosophie (cf. les philosophes de la Grèce antique). L'une des œuvres d'Aristote (philosophe grec 384-322 avant JC) s'intitule Peri Psyches (au sujet de la Psyché) et débute par une histoire de la pensée psychologique et des perspectives historiques sur la nature de l'esprit et du comportement. Aristote explique pourquoi le comportement humain est soumis aux règles et aux lois, tout comme le sont les mouvements des étoiles et des marées. Il approfondit ensuite son sujet, thème par thème : les sensations et la perception, la personnalité, la pensée, l'intelligence, les sentiments et les émotions, la mémoire. Ce qu'on retrouve encore aujourd'hui dans la plupart des manuels d'introduction à la psychologie. Durant cette longue période, la psychologie présente deux caractéristiques essentielles : elle est subjective et elle ne concerne que l'homme, pas l'animal. Elle est subjective car le savoir est principalement élaboré par introspection, c'est-à-dire en observant ses propres états d'âme. Il n'y a pas de preuves basées sur des faits observables. Cette façon de procéder peut évidemment conduire à des erreurs grossières et sera critiquée, notamment par la psychologie scientifique.
2.2. Deuxième période (du 19ème siècle aux années 1950)
2.2.1. De la « psychologie philosophique » à la « psychologie scientifique »
L’approche scientifique des phénomènes qu’ils soient physiques, biologiques ou mentaux (Les Fondements d’une connaissance scientifique) est basée sur l’observation systématique et l’expérimentation. Elle récuse l’argument d’autorité (même les « grands » hommes peuvent se tromper). Elle cherche à aborder les phénomènes de l’extérieur en se centrant sur l’élucidation des mécanismes qui les génèrent et non à une quelconque finalité. La psychologie a commencé à devenir une science en adoptant les principes qui avaient fait le succès des autres sciences naturelles.
Ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle, en même temps que se développent les autres sciences humaines, que la psychologie va acquérir une dimension scientifique. En effet, au 19ème siècle, les conceptions changent radicalement du spiritualisme au matérialisme, probablement comme une conséquence de la révolution industrielle. En Europe, principalement en Allemagne, plusieurs chercheurs contribuent à la naissance de la psychologie scientifique à partir de sciences voisines telles que la physiologie, la physique, la médecine. La plupart des historiens fixent la naissance de la psychologie en tant que science, à l'année 1879 lorsque WUNDT (1832-1920) met sur pied le premier laboratoire de psychologie à Leipzig en Allemagne. Ses travaux portent sur les sensations et les perceptions, en particulier dans le domaine visuel. Les débuts de la psychologie scientifique sont alors caractérisés par un objectif de mesure qui se situe dans le sillage des laboratoires de physiologie et de physique.
WUNDT met au point plusieurs « théories ». Dans « l'observation expérimentale de soi », par exemple, les sujets devaient s'exercer très longuement avant d'être en mesure de participer à une telle expérience. Le plus important ici c’est que WUNDT cherche à appréhender et à définir les éléments de base du fonctionnement mental et à spécifier les lois de leur organisation en structures plus complexes. Ce qui implique une standardisation des conditions d’observation, de présentation et de réalisation des tâches, de façon à pouvoir comparer les résultats. WUNDT a inventé plusieurs instruments pour présenter des stimuli ou pour enregistrer les réactions des sujets.
Les mérites de WUNDT sont d’avoir contribué de façon importante à établir la psychologie scientifique. Il a formé pratiquement tous les pionniers européens et américains de la psychologie expérimentale de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle. Celle-ci consiste à étudier par l’observation et par l’expérience les réactions d’organismes complets aux diverses conditions du milieu qui les entoure. Il s’agit de faire varier systématiquement ces conditions afin de mettre en lumières les « lois » qui régissent les réactions de ces organismes – Homme ou animaux. La psychologie que l’on qualifiait de « nouvelle » dans la seconde moitié du XIXe siècle, se distingue de la psychologie philosophique non seulement par son objet, mais aussi par sa méthode. Elle consiste à mettre des hypothèses à l’épreuve de faits établis objectivement, c.-à-d. de pouvoir être vérifiés par n’importe quel observateur connaissant le maniement des techniques ayant servi à les établir. A la fin du 19ème siècle, la psychologie scientifique s’installe dans les universités (Leipzig, Berlin, Louvain, Paris, Londres, Oxford, Cambridge, Chicago, New York, Baltimore, Leningrad, Moscou…).
2.2.2. Le structuralisme
Les idées de WUNDT ont été exportées aux USA par un de ses étudiants, TITCHENER (1867-1927). Ces idées ont donné naissance au structuralisme (parce qu'elles traitaient de la structure de l'activité mentale). Structuralisme : Étudier la structure de l’expérience mentale consciente en la ramenant à ses éléments constitutifs et en explorant ces derniers par l’introspection. Le structuralisme tentait de définir la nature de l'expérience consciente en la décomposant en sensations objectives comme la vue ou le goût et en impressions subjectives comme les réactions émotives, les images mentales. Les structuralistes pensaient que l'esprit humain fonctionnait en combinant avec créativité les éléments de l'expérience. Il s'agissait de mettre au point une sorte de « chimie mentale » en analysant le vécu après l'avoir divisé en éléments fondamentaux. Très vite, il est apparu que l'introspection est un moyen insuffisant pour répondre à de nombreuses questions. Le plus grave problème résidait dans le désaccord qui existait entre les structuralistes. Par exemple, lorsque deux chercheurs arrivaient à des listes différentes des sensations fondamentales du goût, qui pouvait déterminer lequel avait raison ?
2.2.3. Le fonctionnalisme
Vers la fin du 19 ème siècle, William JAMES (1842-1910), psychologue américain, a élargi le champde la psychologie en y ajoutant le comportement animal, le comportement « anormal » etbeaucoup d'autres sujets. Pour le Fonctionnalisme, il est question de comprendre comment les êtres humains et les animaux utilisent les processus mentaux pour s’adapter à leur environnement…JAMES est l'un des fondateurs de l'école du fonctionnalisme quitraite des façons dont l'expérience nous permet de fonctionner de manière plus adaptée à notreenvironnement. Les fonctionnalistes tentent de comprendre comment l'esprit fonctionne pournous adapter à l'environnement. Ils utilisent l'observation du comportement en laboratoirepour compléter l'introspection.
DARWIN (1809-1882) exerça une grande influence sur les fonctionnalistes. Selon lui, les organismes évoluent au moyen de la sélection naturelle, de façon à favoriser la survie de l'espèce. Les traits qui contribuent à l'adaptation des animaux à l'environnement sont retenus dans l'évolution. Les autres sont voués à l'extinction. Les fonctionnalistes ont adapté la théorie de DARWIN au comportement. Ils ont proposé que les modèles de comportement les plus adaptatifs sont appris et maintenus, alors que les moins adaptatifs ont tendance à disparaître. GALTON (1822-1911), un cousin de DARWIN, joua un rôle important dans l’essor de la psychologie des différences individuelles (psychologie différentielle). Ceci aboutira à la mise au point et à l’utilisation des tests en psychologie au début du 20ème siècle. La technique favorite de GALTON (qu’on peut considérer comme le fondateur de la psychologie anglaise) consistait à mesurer un grand nombre d’individus et à situer chaque sujet par rapport au groupe de référence (ce qu’on appelle aujourd’hui la constitution d’un étalonnage).
2.3. Le behaviorisme
Le fonctionnalisme a été mis au défi par un nouveau courant, le behaviorisme. Ici, la coupure avec la psychologie philosophique est radicale. WATSON (1878-1958) qui est le fondateur du behaviorisme, refuse de définir la psychologie comme l'étude de l'esprit ou l'étude de l'expérience consciente. Il considère que l'introspection n'est pas scientifique. Il affirme que si la psychologie veut être considérée comme une science objective au même titre que la physique ou la chimie, elle doit se limiter aux événements observables et mesurables, c'est-à-dire au comportement (visible ou explicite) (behavior).
La psychologie ne doit avoir comme objet d’étude que le comportement observable et mesurable. Les behavioristes insistent sur le rôle déterminant de l’environnement sur le comportement. Pour WATSON, il s'agit d'étudier l'homme avec les mêmes méthodes objectives que celles utilisées pour l'animal qui ne peut s'observer lui-même. Jusque-là, on avait défini la psychologie comme l’étude de l’expérience mentale, reposant sur l’observation de soi grâce à l’introspection. Celle-ci consiste à observer et à enregistrer ses propres perceptions et sentiments, réfléchir sur la nature et le cheminement de ses propres pensées et émotions. Selon WATSON, les psychologues devaient abandonner l’introspection comme méthode de recherche. Ils devaient s’en tenir à ce qu’ils pouvaient observer ou mesurer directement. L'observation objective (qui permet par définition un accord entre plusieurs observateurs) ne peut s'appliquer que sur deux types de variables :
- les variables de situation (les stimuli) : la variété de ces stimulations est illimitée, allant des longueurs d'onde d'un stimulus lumineux à une question posée...
- les variables de comportement (les réponses) : réponse motrice comme le parcours dans un labyrinthe, temps de réaction, dessin...
Selon les behavioristes, tous les phénomènes psychologiques débutent par un stimulus et finissent dans une réponse, ce qui a donné lieu à l'expression "psychologie stimulus-réponse (psychologie S-R)". Dans cette perspective, l'étude du comportement consiste à établir les relations qui existent entre les stimuli et les réponses. Le béhaviorisme n’étudie pas ce qui se passe à l’intérieur de l’organisme, c’est ce qui justifie son appellation de théorie de la « boite noire ». Un stimulus entre dans la boite et une réponse en sort. Ce qui est étudié est ce qui peut être observé : la relation entre ce qui entre et ce qui sort, et non pas ce qui se passe à l’intérieur de la boite. La méthode privilégiée des béhavioristes est l’expérimentation. Deux autres chercheurs célèbres sont associés au béhaviorisme : PAVLOV (1849-1936) physiologiste russe et SKINNER (1904-1990) psychologue américain. Les travaux de ces chercheurs ont porté sur le conditionnement et ce, principalement à partir d’expériences avec des animaux.
2.4. La psychanalyse
La psychanalyse fondée par FREUD (1856-1939) est très différente des autres écoles de psychologie tant par ses antécédents que par son approche. La théorie freudienne, plus que les autres, a envahi la culture populaire et plusieurs de ses concepts nous sont familiers (refoulement, transfert, contre-transfert, pulsions…). Contrairement aux autres psychologues des milieux académiques qui dirigeaient des recherches en laboratoire, Freud acquit sa compréhension de l'être humain en menant des entrevues cliniques avec des patients.
Il fut étonné du manque de perspicacité que ses patients semblaient démontrer quant à leurs intentions. Il finit par penser que les processus inconscients, surtout les pulsions sexuelles et agressives, avaient plus d'influence que la pensée consciente sur le comportement. Il conçut une méthode de psychothérapie - la psychanalyse - dont l'objectif est d'aider les patients à comprendre leurs nombreux conflits intérieurs et à trouver des façons socialement acceptables d'exprimer leurs désirs et de satisfaire leurs besoins. Selon ce type de psychothérapie, il est indispensable de comprendre la vie intérieure des individus : conflits inconscients qui gouvernent les actions, angoisse liée à la mort et à la perte (qu’on cherche à réprimer), insécurité et peurs qui remontent à la petite enfance et qu’on revit à l’âge adulte… Pour ce faire, les psychanalystes préconisent le recours à l’analyse de tout ce que la personne révèle au cours de la thérapie. Ils analysent les souvenirs mais aussi les rêves, les lapsus (le fait d’employer par erreur un mot à la place d’un autre), les fantasmes, les associations libres… La psychanalyse est à la fois une théorie de la personnalité et une méthode de psychothérapie. Elle s’appuie sur des études en profondeur de cas individuels plutôt que sur des études expérimentales.
Selon Freud, une grande partie de nos comportements prennent leur source dans des processus inconscients. Ces processus peuvent entrer en conflit les uns avec les autres, conduisant à des compromis. Ces « forces invisibles » ont plus d’influence sur le comportement que la conscience. Le véritable objet de la psychologie consiste donc à s’efforcer de voir sous la surface des choses. Au milieu du 20ème siècle, la théorie psychanalytique a dominé la pratique de la psychothérapie et a exercé une grande influence sur la psychologie. Plusieurs disciples de FREUD comme JUNG (1875-1961) ou ADLER (1870-1937) se sont inspirés de ses idées mais ont rompu avec lui pour élaborer leurs propres théories. Ils devinrent célèbres sous l'appellation de néo-freudiens. Beaucoup de néo-freudiens se centrent sur le rôle de la culture dans la formation de la personnalité (fondements sociaux de la personnalité).
- III. TROISIEME PERIODE : L'EVOLUTION RECENTE (DEPUIS 1950)
En dépit des apports importants de la psychanalyse, la psychologie a été dominée par le behaviorisme jusqu'à la seconde guerre mondiale, surtout aux USA. Une fois la guerre finie, l'intérêt pour la psychologie s'accroît et beaucoup de personnes sont attirées par cette science. Des instruments plus sophistiqués dérivés de l'électronique, deviennent disponibles de sorte que qu'il est permis d'étudier plus de comportements. L'expansion des recherches fait ressortir le caractère trop restrictif des positions théoriques jusque-là dominantes (positions béhavioristes). Le développement de l'informatique va renforcer cette tendance. Des ordinateurs bien programmés sont capables d'accomplir des tâches qui étaient auparavant l'apanage des êtres humains (jouer aux échecs, démontrer des théorèmes mathématiques...).
Les progrès en neuropsychologie peuvent également être liés à l'évolution récente de la psychologie. Beaucoup de recherches sur le cerveau et le système nerveux ont permis d'établir des relations entre événements biologiques et processus mentaux. Il devient donc de plus en plus difficile d'affirmer, comme certains behavioristes, qu'il est possible de créer une science de la psychologie sans lien avec la neurophysiologie. La psychologie qui résulte de toute cette évolution est une psychologie à orientation très cognitive. Celle-ci s'intéresse principalement à l'analyse scientifique des processus mentaux et des structures mentales.
La perspective cognitive qui domine la psychologie depuis la 2ème moitié du 20ème siècle. Le terme cognition renvoie aux processus mentaux permettant la saisie et le traitement de l’information. Les cognitivistes postulent que ces processus mentaux peuvent aussi expliquer les comportements observables. La psychologie cognitive est l’étude scientifique de la cognition. Le développement de la perspective cognitive est en partie une réaction contre la position trop étroite des béhavioristes. La psychologie cognitive représente une nouvelle tentative d’étudier les processus mentaux mais d’une manière objective et scientifique (en ayant recours à d’autres méthodes que l’introspection (techniques de verbalisation et de simulation, notamment).
Comme dans la perspective comportementale, la principale méthode de la perspective cognitive est la méthode expérimentale mais avec une différence importante : les cognitivistes utilisent l’expérimentation pour regarder à l’intérieur de la « boite noire », pour inférer des processus mentaux à partir de comportements observables (performance, par exemple). Un apport intéressant de la perspective cognitive est d’avoir montré clairement que les êtres humains sont loin d’être totalement rationnels ! Il leur arrive fréquemment de raisonner de travers, de commettre des erreurs de jugement et d’avoir des trous de mémoire. Mais la perspective cognitive ne se contente pas de mettre en évidence nos limites mentales, elle propose aussi des stratégies pour les dépasser.
Au cours des années 1950-1960, beaucoup de critiques furent émises à l’encontre de la psychanalyse et du béhaviorisme. MASLOW (1908-1970) et ROGERS (1902-1987) notamment remirent en cause la vision pessimiste de l’homme véhiculée par la psychanalyse. Celle-ci est uniquement basée sur l’observation d’individus souffrant de troubles psychologiques. Ils remirent également en cause la place donnée par les béhavioristes aux principes du conditionnement. Ces principes donnent une vision trop mécaniste ou « dénuée d’esprit » du comportement. Pour ces chercheurs, il était temps d’envisager une autre perspective en psychologie : la perspective humaniste.
Il convient toutefois de mentionner que les psychologues d’orientation humaniste n’ont pas remis en cause les concepts fondamentaux des théories psychanalytique et béhavioriste. Ils reconnaissent que l’être humain a un inconscient et la capacité d’apprendre. Pour eux, il existe toutefois d’autres éléments tout aussi importants tels que la conscience, les besoins, le libre arbitre…Ils se proposent d’intégrer tous ces éléments dans une vision globale de l’être humain. La perspective humaniste se distingue nettement des autres perspectives par la place qu’elle accorde à l’expérience subjective consciente (composée de pensées, de sentiments et de croyances (le soi), la capacité de faire des choix pour orienter sa vie (le libre arbitre) et un besoin de croître et de se réaliser pleinement (l’auto-actualisation)). La conscience est considérée ici comme la force qui unifie notre personnalité. Cette expérience subjective consciente est ce qui distingue les êtres humains des animaux. La perspective humaniste est une approche qui favorise l’étude des caractéristiques uniques de l’être humain.
La perspective humaniste est à rapprocher de la phénoménologie. Le terme phénoménologie est emprunté à la philosophie et peut être défini comme l’étude des données immédiates de la conscience, de ce qui est directement accessible à l’individu. En effet, pour les psychologues humanistes, l’expérience qu’ils étudient, est directement accessible à l’individu. Celui-ci n’a pas besoin de ses sens ou d’un outil quelconque pour y accéder. C’est pour cette raison qu’on dit que la perspective humaniste offre une vision phénoménologique de l’être humain.
Les psychologues d’orientation humaniste ont tendance à rejeter l’idée que le comportement est contrôlé par des processus inconscients (perspective psychodynamique) ou par l’environnement (béhaviorisme). Les individus ne sont pas soumis (du moins pas entièrement) au déterminisme de l’inconscient ou de l’environnement. Pour les psychologues d’orientation humaniste, les êtres humains sont capables de diriger leur propre destin. Ils disposent d’une volonté, c’est à dire de la possibilité de faire des choix et d’agir en toute liberté. Par ailleurs, la principale force d’un individu est sa tendance vers la croissance, l’épanouissement, la réalisation de soi. Les individus sont engagés dans une recherche pour découvrir leur identité personnelle et le sens de leur vie. La vision de la nature humaine est optimiste dans la perspective humaniste : l’être humain a une propension naturelle à se réaliser pleinement.
Selon cette perspective, les méthodes objectives traditionnelles (observation et expérimentation) s’avèrent inadéquates pour étudier l’expérience subjective. Les psychologues humanistes reprochent également aux méthodes scientifiques leur caractère réducteur. En décomposant l’être humain en différents éléments (pulsion, action, …), on perd de vue la richesse et la profondeur de l’expérience humaine. En fait, les psychologues humanistes préfèrent une approche holistique qui consiste à étudier l’être humain de façon globale, comme un tout intégré. Pour eux, seules les méthodes subjectives telles que l’introspection et l’empathie peuvent y parvenir.
CHAPITRE 2 : LES METHODES EN PSYCHOLOGIE
La psychologie, comme toutes les autres sciences sociales s’appuie sur un cadre théorique et sur différentes méthodologies. En effet, une discipline, pour exister, a besoin d’un objet, un système de concepts et une méthode. Les connaissances en psychologie sont acquises grâce à la méthode scientifique. Dans ce chapitre, il est question de mettre en exergue, sommairement, les méthodes utilisées en psychologie. Celles-ci sont influencées par les buts de la psychologie : décrire, prédire, expliquer, influencer, d’une part, et les types de recherche, d’autre part. La psychologie s'intéresse aussi bien à la Recherche fondamentale (Recherche menée en vue de faire évoluer les connaissances plutôt que pour une application pratique) qu’à la Recherche appliquée (Recherche réalisée en vue de résoudre des problèmes pratiques). Les méthodes en psychologie peuvent être classées en trois types.
- I. Les recherches descriptives
Plusieurs méthodes employées en psychologie sont de nature descriptive : elles permettent de décrire le comportement humain mais elles n’en fournissent pas d’explication causale. Elles permettent de décrire le plus objectivement possible les comportements tels qu’ils se présentent. Les méthodes descriptives les plus courantes sont :
- l’observation,
- l’enquête,
- les tests,
- l’étude de cas,
Chaque méthode a des indications d’application bien précises. Elle comporte des avantages mais aussi des inconvénients (limites) qu’il est important de connaître avant de choisir la ou les méthodes que l’on va utiliser dans une étude.
1.1. L’observation
L’observation minutieuse et rigoureuse du comportement constitue souvent le point de départ d’une recherche. Elle permet de décrire le comportement qu’on souhaite étudier et affiner les hypothèses qui peuvent ensuite être vérifiées par d’autres méthodes. Employée seule, l’observation sert davantage à décrire le comportement qu’à l’expliquer. Lorsqu’on observe que de jeunes enfants pleurent quand leur mère quitte la pièce, on n’est généralement pas en mesure d’avancer la ou les raison(s) pour lesquelles ils se comportent de cette manière. Par observation, on entend l’investigation d’un phénomène sans que le chercheur intervienne dans le déroulement du phénomène pour en faire varier certains aspects (auquel cas il s’agit d’expérimentation). Deux grands types d’observation peuvent être distingués : l’observation naturelle, et l’observation systématique.
Dans le premier type d’observation (observation naturelle (ou naturaliste)), il s’agit d’observer le comportement dans son contexte naturel (là où il se produit, tel qu’il se produit sans intervention du chercheur). C’est une méthode assez simple mais pouvant être fastidieuse (demande beaucoup de temps !). L’observateur doit se faire oublier pour ne pas influencer le comportement des sujets qu’il observe. Il doit donc se tenir à l’écart de façon à passer inaperçu (caché derrière un miroir sans tain, par exemple) ou au contraire se mêler si bien au groupe qu’il n’attire plus l’attention de personne. La plus grande difficulté liée à cette méthode est de confondre l’essentiel et l’accessoire, ou encore d’interpréter certains faits en fonction de ce qu’on s’attend à voir plutôt qu’en fonction de ce qui se passe réellement. Une solution consiste à pratiquer de l’observation assistée ou armée en ayant recours à du matériel audiovisuel (caméra, magnétophone…) afin d’enregistrer les comportements et pouvoir les visionner à plusieurs reprises. Cela permet de récolter des données de façon plus fiable (éviter les biais liés à l’observateur humain). Cela permet aussi de conserver les données et de réaliser des analyses impossibles à réaliser en temps réel. Mais il n’y a pas d’objectivité absolue. Selon l’emplacement de la caméra par exemple, certains comportements peuvent échapper à l’enregistrement.
Dans le second type d’observation (observation systématique), le chercheur focalise son attention sur une facette particulière du comportement. Il s’agit d’une méthode moins globalisante que l’observation naturelle. Il convient de décrire de façon très précise et rigoureuse la facette du comportement, sans interagir avec les sujets observés (afin de ne pas les influencer). L’observation systématique vise également à limiter les biais liés aux observateurs. En effet, les observateurs ont tendance à déformer la réalité qu’ils perçoivent à cause de leur subjectivité ou à cause de leurs limites cognitives. Un des moyens habituels pour limiter ces biais est l’utilisation d’une grille d’observation. Une grille d’observation mentionne le plus souvent les différents éléments du comportement auquel on s’intéresse. Elle permet de relever la fréquence de ces éléments (nombre de fois qu’ils apparaissent au cours du temps), leur intensité, leur chronologie, les circonstances dans lesquelles ils apparaissent ou disparaissent. Une grille d’observation permet de maintenir l’attention du chercheur sur l’essentiel, en lui évitant de se perdre dans des détails insignifiants. Elle permet aussi de recueillir un nombre signifiant de données. Certains phénomènes difficiles à analyser par observation directe ou par expérimentation peuvent être étudiés grâce à la méthode de l’enquête. Exemples : les opinions, les attitudes, les valeurs, les goûts, les assuétudes, la sexualité…
1.2. L’enquête
L’enquête consiste à mettre en évidence des comportements qui se produisent ou qui se sont produits, et qui ne sont généralement pas directement observables. Avec l’enquête, on peut recueillir des données en interrogeant directement les gens sur des aspects d’eux-mêmes qu’ils sont en mesure de décrire. A partir des résultats obtenus auprès d’un groupe d’individus (échantillon), les chercheurs tirent des conclusions sur l’ensemble de la population de référence. La forme d’enquête la plus connue est le sondage d’opinion, une forme d’enquête qui peut porter sur des sujets très variés, depuis les habitudes alimentaires jusqu’aux opinions politiques.
Les enquêtes comportent des difficultés. Il arrive que les personnes interrogées mentent et cela risque d’autant plus d’arriver que le sujet sur lequel porte l’enquête est délicat voire tabou. Il existe différents moyens pour réduire les « mensonges », un des plus efficaces est de garantir l’anonymat des répondants. Malgré tout, certaines personnes ont tendance à répondre aux questions dans le sens socialement admis (biais de désirabilité sociale) ou dans un sens qu’elles pensent être celui qu’attend l’enquêteur.
1.3. Les tests
Les tests psychologiques constituent des outils dont les psychologues se servent pour compléter leur étude du comportement, notamment en ce qui concerne les aspects difficilement accessibles par l’observation. Il existe de très nombreux tests : tests d’intelligence, de personnalité, d’intérêts … Il y a une grande diversité dans la pratique des tests. On peut utiliser des tests dans différents lieux (école, hôpital, entreprise…). On peut les utiliser dans différents domaines de la psychologie (psychologie scolaire, psychologie du travail, psychologie clinique…) en poursuivant divers objectifs (dépister les enfants en difficulté scolaire, sélectionner ou orienter les travailleurs…). La personne à qui on administre un test doit habituellement répondre oralement ou par écrit à une série de questions. La passation d’un test peut être individuelle ou collective.
Sur le plan de la recherche, les tests servent à déterminer certaines caractéristiques générales du comportement humain. Ils permettent soit de définir des différences entre les individus (variabilité interindividuelle), soit de mettre en évidence la diversité des réactions d’un même individu placé dans différentes situations ou à divers stades de son évolution (variabilité intra individuelle).
1.4. L’étude de cas
Une étude de cas consiste essentiellement en l’observation approfondie d’un individu ou d’un petit groupe d’individus. Elle comporte le plus souvent des informations sur l’enfance de la personne étudiée, ses relations avec ses proches, ses expériences de vie…, c’est à dire des éléments permettant de mieux étudier son comportement. Les études de cas sont utilisées surtout par les psychologues cliniciens afin d’illustrer certains principes psychologiques à l’aide du portrait détaillé d’un individu. Des études de cas célèbres sont celles des premiers patients de Freud. Celui-ci cherchait dans le passé de ses patients, l’origine de leurs symptômes. Il utilisait par exemple le cas d’un petit garçon effrayait par les chevaux pour faire des hypothèses sur l’origine des phobies. Les études de cas présentent également une grande utilité pour l’étude de phénomènes que les psychologues ne peuvent étudier par aucune autre méthode. Citons à titre d’exemple l’existence d’une période critique pour le développement normal des capacités langagières, période située entre un et six ans. L’existence de cette période ne pouvait être vérifiée qu’à partir de cas d’enfants maltraités, enfermés sans stimulation langagière pendant des années et auxquels les psychologues tentaient par après d’apprendre à communiquer normalement.
Les études de cas sont donc particulièrement utiles lorsqu’on essaie de connaître soit un phénomène qui n’est pas encore compris et requiert donc une exploration, soit un phénomène complexe difficile à reproduire expérimentalement. Mais les études de cas, comme toutes les autres méthodes employées en psychologie, présentent aussi des limites. Elles dépendent souvent des souvenirs que les personnes ont gardés de leur passé. Or, ces souvenirs peuvent se révéler inexacts ou faire l’objet de déformations par rapport à la réalité. Par ailleurs, le fait que les études de cas soient centrées sur des individus particuliers, cela peut limiter leur utilité pour les psychologues qui tentent d’élaborer des généralisations sur le comportement. Parce que l’intérêt des études de cas est l’observation d’un petit nombre de sujets, la généralisation à une population plus large est toujours incertaine. De plus, il est souvent difficile de choisir entre plusieurs interprétations possibles à partir de la description d’un seul cas.
- II. Les recherches corrélationnelles
Par rapport aux recherches descriptives, les recherches corrélationnelles permettent d’aller plus loin dans l’étude du comportement. Pour ce faire, on a recours à la méthode corrélationnelle : méthode qui permet de mesurer le degré de dépendance entre deux ou plusieurs « éléments » susceptibles de varier de façon quantifiable. Ces éléments sont appelés variables. L’objectif d’une recherche corrélationnelle est donc de déterminer le degré avec lequel plusieurs variables sont reliées, c’est à dire la prédiction de la valeur de l’une à partir de la valeur de l’autre. La méthode corrélationnelle est appliquée à des données provenant d’autres méthodes (études de cas, observations, enquêtes…). L’intérêt des recherches corrélationnelles est qu’elles permettent d’étudier un large champ de phénomènes qui varient en nature (de la personnalité aux attitudes) et qui ne peuvent pas être reproduits en laboratoire. Une corrélation s’établit toujours entre deux ensembles d’observations. Ces deux ensembles d’observations se rapportent habituellement à plusieurs individus.
Ainsi, les psychologues qui s’intéressent aux origines de l’intelligence, cherchent à déterminer s’il existe une relation entre le quotient intellectuel (QI) des parents et celui de leurs enfants. Pour ce faire, ils doivent mesurer le QI d’un ensemble de parents et celui de leurs enfants. On ne peut pas calculer de corrélation si on ne connaît le QI que d’une seule paire parent-enfant. Corréler deux variables signifie évaluer l’étendue avec laquelle la valeur d’une mesure (d’une variable) prédit la valeur de la mesure (de l’autre variable). La statistique qui permet de faire cette prédiction s’appelle le coefficient de corrélation. Celui-ci mesure le degré avec lequel deux variables sont liées. Il peut être positif ou négatif. Si la corrélation est positive, cela signifie qu’à des valeurs élevées d’une des variables correspondent des valeurs élevées de l’autre variable (et qu’à des valeurs faibles d’une des variables correspondent des valeurs faibles de l’autre variable). Par exemple, il existe une corrélation positive entre le QI et le rendement scolaire : plus les individus ont un QI élevé, meilleur est leur rendement scolaire. Toutefois, il est rare qu’une corrélation soit parfaite.
Cela signifie qu’il existe des exceptions. Ainsi, certains individus qui ont un QI moyen se classent parfois parmi les meilleurs. D’autres individus qui ont un QI élevé obtiennent parfois des résultats médiocres. Si la corrélation est négative, cela signifie qu’à des valeurs élevées d’une variable correspondent des valeurs faibles de l’autre variable. Par exemple, il existe une corrélation négative entre le stress et l’état de santé : plus les individus sont stressés, moins ils sont en bonne santé.
- III. Les recherches expérimentales
Si les chercheurs ont recours à la méthode descriptive pour formuler des hypothèses à propos d’un comportement, à la méthode corrélationnelle pour associer différentes variables à un comportement donné, ils utilisent la méthode expérimentale pour découvrir les causes du comportement (et donc, pouvoir l’expliquer).
3.1. Caractéristiques générales de la méthode expérimentale
La méthode expérimentale permet au chercheur de contrôler les conditions d’une expérimentation afin de tester ses hypothèses. Pour ce faire, le chercheur modifie certaines conditions (traitement expérimental) qui selon lui, influencent le comportement qu’il étudie. Il maintient constant l’ensemble des autres conditions pour tous les sujets et il observe ce qui se passe. Selon les résultats obtenus, le chercheur peut tirer des conclusions pour déterminer la présence ou l’absence de relations de cause à effet entre les différentes variables sélectionnées.
3.2. Groupe expérimental vs groupe contrôle
La comparaison est une manière de mettre en évidence les relations de causalité. Pour comprendre le fonctionnement d’un phénomène, on compare ce qui se passe en présence de ce phénomène à ce qui se passe en son absence. Dans la méthode expérimentale, la condition expérimentale (renvoyant à l’administration du traitement expérimental à un groupe de sujets (groupe expérimental)) est associée le plus souvent à une condition contrôle (renvoyant à l’absence de traitement expérimental pour un autre groupe de sujets (groupe contrôle ou groupe témoin)). L’hypothèse ne peut alors être confirmée que si on observe une différence statistiquement significative entre le groupe expérimental et le groupe contrôle. Si les mêmes effets se produisent dans les conditions expérimentale et contrôle, ces effets ne peuvent été attribués au traitement expérimental.
Il faut noter que l’on peut aussi utiliser un groupe « placebo » en plus du groupe contrôle. Par exemple, supposons qu’il s’agit de mesurer l’effet d’une drogue sur le comportement. Le groupe expérimental consommera la drogue en question. Le groupe contrôle ne la consommera pas. Mais il faut prévoir un second groupe contrôle qui croira consommer la drogue mais qui en fait absorbera une substance inactive (appelée placebo). Ce second groupe contrôle (groupe placebo) permet d’établir si le comportement du groupe expérimental s’explique par les propriétés spécifiques de la drogue administrée ou plutôt par le simple fait d’absorber une substance (quelle qu’elle soit), ce qui est souvent accompagné chez l’être humain de l’attente plus ou moins consciente d’un effet consécutif. Notons que les placebos produisent parfois des effets presque aussi marqués qu’un traitement authentique. Ainsi, en médecine, les injections factices qui s’avèrent efficaces dans le traitement de la douleur en constituent un bel exemple.
3.3. Variables, contrôle et validité
Chaque expérience a pour but de tester au moins une hypothèse et comporte toujours deux types de variables : la (ou les) variable(s) indépendante(s) et la (ou les) variable(s) dépendante(s). L’hypothèse prend le plus souvent la forme suivante : « Si je fais ceci ou si je sélectionne des sujets qui ont telle caractéristique »…« je devrais observer cela »
CHAPITRE 3 : LES GRANDS DOMAINES DE LA PSYCHOLOGIE
Introduction
Les sciences humaines et sociales que nous connaissons aujourd'hui sont le fruit de longues réflexions sur l'homme. Dans un premier temps les mythes et les religions ont fourni des réponses aux grandes énigmes de l'existence. À la recherche d'explications sans cesse plus rationnelles, les Lumières et la révolution Française voient évoluer le projet de créer une science de l'homme. Avec la société industrielle moderne, les différentes disciplines des sciences humaines se créent. Les sciences humaines et sociales partagent également une démarche scientifique particulière : décrire à l'aide d'outils spécifiques, tels que les enquêtes de terrain ou les expériences en laboratoire, organiser les données avec des études statistiques, des analyses de contenu, expliquer des phénomènes et élaborer des théories et des modèles. Déclinées aujourd'hui en sous disciplines et en spécialités, les sciences humaines et sociales sont formées par différentes disciplines universitaires, comme l'anthropologie, la psychologie, la sociologie, mais aussi l'histoire, la géographie, l'économie, la linguistique, la philosophie et la psychiatrie. Elles ont pour point commun de s'intéresser au comportement individuel et collectif de l'homme. Ces comportements peuvent être passés ou présents. La santé et la maladie apparaissent de plus en plus comme des phénomènes à la fois biologiques, sociaux et psychologiques. Prendre en charge un patient nécessite alors de prendre en charge un individu présentant un dysfonctionnement particulier, avec son histoire, son fonctionnement, sa culture et sa personnalité particulière. Tout ceci dans un contexte donné : historique, culturel… La sociologie, la psychologie et l'anthropologie permettent une meilleure compréhension de l'autre (autrui) et des enjeux de la relation de soin, avec le patient, son entourage et avec l'équipe pluridisciplinaire.
I. Les branches de la psychologie
v La psychologie expérimentale
- Domaine d'étude : son domaine d'étude est les grandes fonctions : la mémoire, l'attention, le langage.
- Objectif : trouver des lois générales en s'appuyant sur l'expérimentation. Sa démarche est la démarche expérimentale, le traitement des données, la statistique.
- Notions importantes : Le groupe témoin, Le placebo
- La stratégie : mettre des sujets identiques dans des situations différentes. La psychologie expérimentale s'intéresse avant tout à des moyennes.
II. La psychologie différentielle
- Pas de domaine d'étude particulier.
- Son objectif est de mettre en évidence, des différences entre les sujets. Elle cherche des lois générales.
- Démarche : elle cherche des lois expérimentales
- Notions importantes : intelligence et aptitudes
- Stratégie : placer des sujets différents dans des situations identiques. Concours.
III. La psychologie sociale
- Domaine d'étude : science du conflit entre l'individu et la société
- Objectif : expliquer l'ensemble des phénomènes en rapport avec l'idéologie et la communication
- Notions importantes : communication sociale : ensemble des moyens verbaux et non-verbaux, utilisés pour transmettre l'information et influencer autrui. Pour agir et communiquer, les individus et les groupes partagent des représentations sociales (ce sont les préjugés, les stéréotypes et les croyances). En retour, ces représentations façonnent les réalités sociales.
- Démarche : 4 niveaux : intra personnel : conflit de cultures, interpersonnel, intergroupe, sociétal, Stratégie : un peu tout ce qu'on peut.
IV. La psychologie du développement (autrefois psychologie génétique)
Psychologie de la jeunesse
- Objectif et domaine d'étude : genèse des grandes fonctions qui permettent de mieux comprendre leur état d'achèvement et leur éventuel dysfonctionnement.
- Démarche : l'enfant est un objet d'étude ; on cherche à savoir quelles sont les possibilités d'un enfant à un âge donné. On observe les différents stades de son développement.
- Notions importantes : les grandes théories du développement : empiristes, innéistes et constructivistes.
- Empiriste : développement basé sur l'expérience. Plus l'enfant vivra de situations différentes, plus il sera intelligent.
- Innéiste : contraire d'empiriste. Pas besoin de le solliciter. L'enfant est né avec un bagage et on ne le change pas, il se développera bien s'il est bien né.
- Constructiviste : importance du patrimoine génétique, capacités liées aux étapes de la vie. Si on ne le sollicite pas, il ne se développera pas normalement.
- Stratégie : observation de plusieurs cas et leur généralisation.
V. La psychophysiologie (neuropsychologie)
- Domaine d'étude : autrefois : la perception ; aujourd'hui : les grandes fonctions
- Objectif : chercher à savoir comment l'homme construit le monde (histoire des couleurs chez certains peuples africains)
- Démarche : démarche expérimentale, IRM et IRM fonctionnels, les PET (tomographie par émission de positrons).
- Notions importantes (Théorie de la Gestalt (psychologie de la forme) : le tout est différent de la somme des parties (exemple du triangle de Kanisza) ; L'illusion : conflit entre la perception immédiate et les constructions que fait le cerveau habituellement ; Le conditionnement (Pavlov, Skinner) : réflexe conditionné
- Stratégie : il existe des liens étroits entre le fonctionnent du cerveau et les conduites. Malheureusement, on connait encore très mal le fonctionnement du cerveau. Les nouvelles techniques d'imagerie représentent un enjeux très important.
VI. La psychologie clinique
Clinique : du grec kline : le lit. Psychologie qui se pratique au chevet du patient.
- Domaine d'étude : la personne dans sa totalité.
- Démarche : l'interaction entre le sujet et le psychologue, qui est à la fois le moyen d'investigation et l'objet d'étude (cf : transfert).
- Notions importantes (Psychodynamique : l'être humain est en conflit avec lui-même, avec les autres et avec le monde. L'homme adapté est celui qui cherche à résoudre ces conflits ; La totalité : la psychologie clinique s'intéresse à la personne totale, dans son rapport à l'environnement ; La psychogenèse : la psychologie clinique est historique, la réaction de ; l'homme face à un problème s'éclaire avec l'histoire de sa vie. En infirmier : les pathologies des patients qui nous rappellent des moments de notre vie privée.
- Stratégie : le patient doit se raconter.
- VII. La psychopathologie
- Domaine d'étude : personnalités psychopathologiques.
- Démarche (Sémiologie : étude des signes. Un signe significatif est un symptôme ; Classification : à quelle pathologie appartiennent ces signes ; Mise en place d'un traitement adapté ; Notions importantes ; Le normal et le pathologique : ils ne sont pas différents par nature mais par quantité. La pathologie peut aider à comprendre le fonctionnement normal.
Conclusion
Aujourd'hui les frontières entre ces différentes branches s'estompent. Des disciplines très opposées comme la psychologie cognitive et la psychanalyse se rejoignent sur certains points.
CHAPITRE 4 : LA PSYCHOLOGIE SOCIALE
Avec l’évolution des recherches, on est parvenu à différencier les représentations collectives et les représentations individuelles. Le champ des représentations s’est alors posé comme le terrain sur lequel la psychologie et la sociologie se rencontrent. La complexité de cette zone d’interférence a donné naissance à une discipline appelée psychologie sociale ou psychosociologie. Celle-ci se pose de ce fait comme science hybride
- I. Définition et généralités
Les représentations sociales sont nées du concept sociologique de représentations collectives énoncé par Durkheim. De nombreux scientifiques, tel que Denise Jodelet, s’accordent pour définir la représentation comme «une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social.» Le concept de Représentation sociale permet de mieux comprendre les individus et les groupes en analysant la façon dont ils se représentent eux-mêmes, les autres et le monde. Leurs analyses jouent un rôle essentiel pour l’étude du sens commun, mais aussi celles des relations sociales au sens large.
James Baldwin a eu le mérite de gommer la scission que la psychologie et la sociologie ont introduit entre l’individu et le groupe. Il a montré que l’individuel et le collectif sont deux modalités de la réalité sociale. Pour lui, l’individu et le groupe sont deux pôles de la société, ce d’autant plus qu’il n’existe pas de société sans individus tout comme il n’existe pas d’individus n’appartenant à quelque groupe social. Il importe donc de retenir que l’émergence de la psychologie sociale peut s’expliquer par l’incapacité de la psychologie et la sociologie à expliquer avec fiabilité l’intégralité des conduites humaines.
Au départ, Moscovici définit la PS comme la science des conflits entre l’individu et la société. Castellan, sans se contenter de cette explication, la considère comme la science qui étudie les rapports et les relations d’un égo et d’un alter dans leur relation avec l’environnement. Ces rapports et relations étant idéologiquement marqués, Moscovici reviendra sur sa première définition et dira qu’elle est « la science qui étudie aussi bien les phénomènes de communication que les phénomènes de représentation ». Il va s’intéresser à l’individu en tant qu’être de communication mais aussi en tant qu’il est pourvu d’un nombre de représentations sociales.
II. La psychologie des foules
Au sens ordinaire le mot foule représente une réunion d'individus quelconques, quels que soient leur nationalité, leur profession ou leur sexe, et quels que soient aussi les hasards qui les rassemblent. An point de vue psychologique, l'expression foule prend une signification tout autre. Dans certaines circonstances données, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d'hommes possède des caractères nouveaux forts différents de ceux des individus composant cette agglomération. La personnalité consciente s'évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. Il se forme une âme collective, transitoire sans doute, mais présentant des caractères très nets. La collectivité est alors devenue ce que, faute d'une expression meilleure, on appelle une foule organisée, ou, si l'on préfère, une foule psychologique. Elle forme un seul être et se trouve soumise à la loi de l'unité mentale des foules. Il est visible que ce n'est pas par le fait seul que beaucoup d'individus se trouvent accidentellement côte à côte, qu'ils acquièrent les caractères d'une foule organisée. Mille individus accidentellement réunis sur une place publique sans aucun but déterminé, ne constituent nullement une foule au point de vue psychologique. Pour en acquérir les caractères spéciaux, il faut l'influence de certains excitants :
2.1. Impulsivité, mobilité et irritabilité des foules
La foule, avons-nous dit en étudiant ses caractères fondamentaux, est conduite presque exclusivement par l'inconscient. Ses actes sont beaucoup plus sous l'influence de la moelle épinière que sous celle du cerveau. Elle se rapproche en cela des êtres tout à fait primitifs. Les actes exécutés peuvent être parfaits quant à leur exécution, mais, le cerveau ne les dirigeant pas, l'individu agit suivant les hasards des excitations. Une foule est le jouet de toutes les excitations extérieures et en reflète les incessantes variations. Elle est donc esclave des impulsions qu'elle reçoit. L'individu isolé peut être soumis aux mêmes excitants que l'homme en foule ; mais comme son cerveau lui montre les inconvénients d'y céder, il n'y cède pas. C'est ce qu'on peut physiologiquement exprimer en disant que l'individu isolé possède l'aptitude à dominer ses réflexes, alors que la foule ne la possède pas.
2.2. Suggestibilité et crédulité des foules
Si neutre qu'on la suppose, la foule se trouve le plus souvent dans cet état d'attention expectante qui rend la suggestion facile. La première suggestion formulée qui surgit s'impose immédiatement par contagion à tous les cerveaux, et aussitôt l'orientation s'établit. Comme chez tous les êtres suggestionnés, l'idée qui a envahi le cerveau tend à se transformer en acte. Qu'il s'agisse d'un palais à incendier ou d'un acte de dévouement à accomplir, la foule s'y prête avec la même facilité. Tout dépendra de la nature de l'excitant, et non plus, comme chez l'être isolé, des rapports existant entre l'acte suggéré et la somme de raison qui peut être opposée à sa réalisation. Aussi, errant toujours sur les limites de l'inconscience, subissant aisément toutes les suggestions, ayant toute la violence de sentiments propre aux êtres qui ne peuvent faire appel aux influences de la raison, dépourvue de tout esprit critique, la foule ne peut qu'être d'une crédulité excessive. L'invraisemblable n'existe pas pour elle, et il faut bien se le rappeler pour comprendre la facilité avec laquelle se créent et se propagent les légendes et les récits les plus invraisemblables. La création des légendes qui circulent si aisément dans les foules n'est pas déterminée seulement par une crédulité complète. Elle l'est encore par les déformations prodigieuses que subissent les événements dans l'imagination de gens assemblés. L'événement le plus simple vu par la foule est bientôt un événement transformé. Elle pense par images, et l'image évoquée en évoque elle-même une série d'autres n'ayant aucun lien logique avec la première.
2.3. Exagération et simplisme des sentiments
Quels que soient les sentiments, bons ou mauvais, manifestés par une foule, ils présentent ce double caractère d'être très simples et très exagérés. Sur ce point, comme sur tant d'autres, l'individu en foule se rapproche des êtres primitifs. Inaccessible aux nuances, il voit les choses en bloc et ne connaît pas les transitions. Dans la foule, l'exagération des sentiments est fortifiée par ce fait, qu'un sentiment manifesté se propageant très vite par voie de suggestion et de contagion, l'approbation évidente dont il est l'objet accroît considérablement sa force. La simplicité et l'exagération des sentiments des foules font que ces dernières ne connaissent ni le doute ni l'incertitude. Comme les femmes, elles vont tout de suite aux extrêmes. Le soupçon énoncé se transforme aussitôt en évidence indiscutable. Un commencement d'antipathie ou de désapprobation, qui, chez l'individu isolé, ne s'accentuerait pas, devient aussitôt haine féroce chez l'individu en foule.
2.4. Intolérance, autoritarisme et conservatisme des foules
Les foules ne connaissant que les sentiments simples et extrêmes ; les opinions, idées et croyances qui leur sont suggérées sont acceptées ou rejetées par elles en bloc, et considérées comme des vérités absolues ou des erreurs non moins absolues. Il en est toujours ainsi des croyances déterminées par voie de suggestion, au lieu d'avoir été engendrées par voie de raisonnement. Chacun sait combien les croyances religieuses sont intolérantes et quel empire despotique elles exercent sur les âmes. N'ayant aucun doute sur ce qui est vérité ou erreur et ayant d'autre, part la notion claire de sa force, la foule est aussi autoritaire qu’intolérante. L'individu peut supporter la contradiction et la discussion, la foule ne les supportent jamais. Dans les réunions publiques, la plus légère contradiction de la part d'un orateur est immédiatement accueillie par des hurlements de fureur et de violentes invectives, bientôt suivis de voies de fait et d'expulsion pour peu que l'orateur insiste.
2.5. Moralité des foules
Si nous prenons le mot de moralité dans le sens de respect constant de certaines conventions sociales et de répression permanente des impulsions égoïstes, il est bien évident que les foules sont trop impulsives et trop mobiles pour être susceptibles de moralité. Mais si, dans le terme de moralité, nous faisons entrer l'apparition momentanée de certaines qualités telles que l’abnégation, le dévouement, le désintéressement, le sacrifice de soi-même, le besoin d'équité, nous pouvons dire que les foules sont au contraire parfois susceptibles d'une moralité très haute. Les rares psychologues qui ont étudié les foules ne les ont envisagées qu'au point de vue de leurs actes criminels ; et, voyant à quel point ces actes sont fréquents, ils les ont considérées comme ayant un niveau moral très bas. Sans doute il en est souvent ainsi : mais pourquoi ? Simplement, parce que les instincts de férocité destructive sont des résidus des âges primitifs qui dorment au fond de chacun de nous. Dans la vie de l'individu isolé, il lui serait dangereux de les satisfaire, alors que son absorption dans une foule irresponsable, et où par conséquent l'impunité est assurée, lui donne toute liberté pour les suivre.
La foule qui écharpe lentement une victime sans défense fait preuve d'une férocité très lâche ; mais, pour le philosophe, cette férocité est bien proche parente de celle des chasseurs qui se réunissent par douzaines pour avoir le plaisir d’assister à la poursuite et à l'éventrement d'un malheureux cerf par leurs chiens. Si la foule est capable de meurtre, d'incendie et de toutes sortes de crimes, elle est également capable d'actes de dévouement, de sacrifice et de désintéressement très élevés, beaucoup plus élevés même que ceux dont est capable l'individu isolé. C'est surtout sur l'individu en foule qu'on agit, et souvent jusqu'à obtenir le sacrifice de la vie, en invoquant des sentiments de gloire, d'honneur, de religion et de patrie.
III. La perception sociale
La perception (en psychologie) se définit comme la « Fonction par laquelle notre esprit se forme une représentation des objets extérieurs. »[1]Par extension, en sociologie, la perception sociale est définie comme l’étude qui prend pour objet le fait que ce que les individus voient (des choses ou des gens) est modelée, d’une certaine manière, par la société. Cette approche met en exergue le fait que la perception sociale est la vision que nous avons de nous-même, des autres et de la société est acquise au cours d’un long processus de socialisation. Elle n’est pas innée.
Je peux donc dire que la perception sociale (définition sociologique) est plus « matérialiste qu’idéaliste ». En effet, si pour les idéalistes, il existe des idées qui sont des formes parfaites et qui préexistent à l’expérience[2] (ou à la socialisation)[3], pour les matérialistes, la réalité matérielle existe indépendamment de la pensée. Pour K. Marx : « Le mouvement de la pensée n’est que la réflexion du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l’homme. »[4] La perception sociale sera donc le reflet passif de la réalité matérielle. Elle est a posteriori et non a priori.
Le sociologue français Pierre Bourdieu[5] montre que la perception du monde social (perception sociale) est produite d’une double structuration sociale. Du côté objectif, elle est socialement structurée. La perception sociale est d’abord une perception de la structure sociale, c'est-à-dire du positionnement et des rapports des différents groupements sociaux. Les catégories de perception du monde social sont pour l’essentiel le produit de l’incorporation des structures objectives de l’espace social. En conséquence, elles inclinent les agents à prendre le monde social tel qu’il est, à l’accepter comme allant de soi, plutôt que de se rebeller contre lui, à lui opposer des possibles différents, voire antagonistes : le sens de la position comme sens de ce que l’on peut ou que l’on ne peut pas « se permettre », implique une acceptation tacite de sa position, un sens de limites, «ce n'est pas pour nous ». Ainsi donc, si les rapports de forces objectifs tendent à se reproduire dans les visions du monde social qui contribuent à la permanence de ces rapports, c'est donc que les principes structurants de la vision du monde prennent leur racine dans les structures objectives du monde social et que les rapports de force sont aussi présents dans les consciences sous la forme des catégories de perception de ces rapports. Les dominants finissent par légitimer leur domination et les dominés finissent par accepter leur assujettissement, comme allant de soi, comme « normal »[6].
Du côté subjectif, la perception du monde social, est structurée parce que les schèmes de perception et d’appréciation susceptibles d’être mis en œuvre au moment considéré, et tous ceux notamment qui sont déposés dans le langage, sont le produit des luttes symboliques antérieures et expriment sous une forme plus ou moins transformée l’état des rapports de force symboliques. Et donc, la connaissance du monde social et, plus précisément, les catégories de perception qui la rendent possible, sont l'enjeu par excellence de lutte politique, inséparablement théorique et pratique pour le pouvoir de conserver ou de transformer le monde social en conservant ou en transformant les catégories de perception de ce monde.
La perception sociale ou du monde sociale, est donc pour P. Bourdieu, une combinaison des catégories objectives et subjectives avec cependant une primauté des catégories objectives. Cela va de soi, car pour la sociologie la pensée conceptuelle, la langue et la logique sont influencées par le milieu social duquel ils proviennent. Pour la sociologie, la connaissance humaine considérée comme un phénomène social, c'est-à-dire dont l'élaboration est influencée ou déterminée par des circonstances socio-historiques particulières. Elle s’intéresse aux modes de pensée et de perception des acteurs saisis en fonction de leur groupe d'appartenance et de la situation qu'ils occupent dans un état de société donné.
Chapitre 3 : Rapports réels et pratiques de la psychologie et de la sociologie
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[1] Madeleine Grawitz, Lexique des sciences sociales, Paris, Dalloz, 2004, p. 311 (421p.)
[2] Le monde des idées (le logos) a une existence en soi et il a même pour Platon une réalité supérieure à la réalité du monde sensible qui est en grande partie illusoire (Mythe de la caverne de la République).
[3] La socialisation est le processus au cours duquel un individu apprend et intériorise les normes et les valeurs tout au long de sa vie, dans la société à laquelle il appartient, et construit son identité sociale. Elle est le résultat à la fois d'une contrainte imposée par certains agents sociaux, mais aussi d'une interaction entre l'individu et son environnement. Si elle favorise la reproduction sociale, elle n'élimine pas pour autant les possibilités de changement social. Lors de la socialisation l'enfant acquiert des normes et des valeurs. Il existe deux types de socialisations: -primaire qui façonne durablement la personnalité des individus. -secondaire qui entraîne une reconstruction de l'identité des individus à l'âge adulte.
[4] Alain Beitone et al. Sciences sociales, Paris, Dalloz, 2012, p.3 (590p.)
[5] Pierre Bourdieu, Choses dites, Paris, Minuit, Paris, 1987.
[6] P. Bourdieu abondamment travaillé sur la problématique de la reproduction sociale.